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Syrie. Des témoignages révèlent les détails de l’attaque chimique illégale de Saraqeb

L’attaque au chlore qui a fait 11 victimes nécessitant des soins urgents dans la ville de Saraqeb, selon des témoignages recueillis par Amnesty International, a montré une fois de plus que l’État syrien utilisait des armes chimiques interdites par le droit international.

La Défense civile syrienne a indiqué que des bombes barils contenant du chlore avaient été larguées par hélicoptère. Les personnes touchées étaient en détresse respiratoire, souffraient de graves irritations de la peau et des yeux, vomissaient et ont perdu connaissance. Parmi les victimes figuraient trois volontaires de la Défense civile syrienne qui s’étaient précipités sur les lieux pour apporter leur aide.

« Une fois encore, l’État syrien a fait preuve d’un mépris absolu à l’égard du droit international en utilisant des armes chimiques illégales, a déclaré Lynn Malouf, directrice du programme de recherche sur le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Les attaques visant directement des civils sont totalement interdites et constituent des crimes de guerre. Le fait que les autorités se sentent libres de lancer ouvertement de telles opérations au moyen d’armes chimiques prohibées par le droit international met en lumière la parfaite impunité dont jouissent les personnes qui ordonnent la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Syrie. »

Des représentants d’Amnesty International se sont entretenus avec un volontaire de la Défense civile syrienne. Celui-ci a expliqué être arrivé quelques minutes après qu’une bombe baril, dont le gaz provenait de toute évidence, avait atterri dans un champ, à 50 mètres d’un entrepôt agricole. Il n’y avait, semble-t-il, aucun objectif militaire aux environs du site touché, qui se trouve dans la province d’Idleb (nord-ouest du pays) et à 41 kilomètres de la ligne de front la plus proche.

« Nous avons entendu des personnes crier à l’aide sur la route et d’autres sur le toit d’une maison. Environ huit personnes pouvaient à peine respirer et toussaient sans arrêt. Nous leur avons donné de l’oxygène et les avons transférées à l’hôpital, a déclaré le volontaire.

« En conduisant, j’ai commencé à manquer de souffle, comme si je n’arrivais pas à respirer seul, et mes yeux se sont mis à me démanger. J’avais la nausée, comme si j’allais vomir. Mes amis ressentaient la même chose mais nous n’étions pas certains de ce qui se passait. J’ai vomi en arrivant à l’hôpital. »

Un deuxième membre de la Défense civile syrienne déployé à Saraqeb a signalé à Amnesty International qu’il avait vu les victimes transportées vers un poste médical.

« Lorsqu’ils sont arrivés, j’ai remarqué que l’équipe de secours respirait aussi avec difficulté et ils ont perdu connaissance. Les médecins m’ont dit que les symptômes visibles chez ces 11 personnes, y compris les trois volontaires de la Défense civile syrienne, pouvaient découler d’une attaque chimique, probablement au chlore », a-t-il déclaré.

Un infirmier du poste médical a confirmé que les victimes souffraient des conséquences d’une attaque chimique.

« Ils n’arrivaient pas à respirer, ils toussaient sans arrêt, ils avaient les yeux rouges et certains vomissaient beaucoup… Heureusement, nous étions une vingtaine de professionnels de la santé ; nous les avons rapidement déshabillés et lavés et leur avons donné de l’oxygène et un bronchodilatateur pour ouvrir les voies respiratoires dans les poumons », a déclaré l’infirmier.

Les victimes, toutes des hommes, sont aujourd’hui sorties de l’hôpital.

Les forces gouvernementales syriennes sont soupçonnées d’avoir mené, depuis 2012, des dizaines d’attaques au chlore et au moyen d’autres armes chimiques contre des secteurs contrôlés par l’opposition, faisant des centaines de morts et des blessés graves. Toutes ces attaques sont interdites par le droit international humanitaire.

En septembre 2013, après que des centaines de personnes sont mortes des suites d’une attaque présumée au gaz sarin à Ghouta, aux abords de Damas, la Syrie a adhéré à la Convention sur les armes chimiques et le président Bachar el Assad s’est engagé à détruire les stocks syriens d’agents chimiques interdits.

Cependant, un an plus tard, en septembre 2014, une mission d’établissement des faits diligentée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques a recueilli des informations convaincantes confirmant qu’un agent chimique toxique avait été utilisé comme une arme « de manière systématique et répétée » dans des villages du nord de la Syrie.

En outre, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques est convaincue que les forces gouvernementales ont utilisé du gaz sarin, qui provoque les lésions neurologiques, lors d’une attaque qui a tué plus de 80 personnes dans la ville de Kahn Sheikhoun (province d’Idleb) en avril 2017.