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Hong Kong. La police prend des mesures disproportionnées contre les manifestants

Lors des manifestations du week-end des 10 et 11 août 2019, la police de Hong Kong a de nouveau tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur les manifestants, même si ceux-ci s’étaient déjà enfuis. Amnesty International met en garde contre le fait que l’utilisation de ces armes puissantes dans les rues densément peuplées de la ville pourrait causer des blessures graves et attiser les tensions.

Soulignant que la police de Hong Kong a utilisé à maintes reprises des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des grenades en éponge d’une manière excessive et illégale lors des récentes manifestations, Amnesty International appelle la police à faire preuve de retenue tandis qu’elle s’apprête à déployer des canons à eau.

«Les canons à eau ne sont pas des jouets que la police de Hong Kong peut déployer pour montrer sa force. Ce sont des armes puissantes qui sont non discriminantes par nature et peuvent causer des blessures graves, voire la mort. Cet équipement peut renverser une personne, la pousser dans des éléments statiques, causer une perte de vue permanente ou percuter des objets non fixés qui deviennent alors de véritables projectiles. Dans les rues bondées de Hong Kong, leur déploiement pourrait mener droit au désastre, a déclaré Man-kei Tam, directeur d’Amnesty International Hong Kong.

«Depuis que les manifestations ont éclaté à Hong Kong il y a deux mois, la police de la ville a utilisé à maintes reprises des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, et ce sans respecter les normes internationales. Ces méthodes impulsives poussent à s’interroger: les policiers peuvent-ils employer des canons à eau sans pour autant exposer les citoyens au risque de blessures graves?»

Les canons à eau devraient être prêts à être utilisés à Hong Kong à la mi-août

Amnesty International a déjà dénoncé les dangers de l’usage des canons à eau par des responsables de l’application des lois, notamment lors d’un terrible événement en Corée du Sud. Lors de manifestations antigouvernementales à Séoul, le 14 novembre 2015, le militant Baek Nam-gi, touché par un jet de canon à eau de la police, utilisé à bout portant et avec une trop grande puissance, a perdu connaissance. Sur les images vidéos de l’événement, on voit Baek Nam-gi au sol, inconscient et gisant sans réaction après avoir été frappé directement à la tête. Les policiers manœuvrant le canon n’ont pas arrêté après qu’il soit tombé à terre. Tombé dans le coma, il a fini par succomber à ses blessures à l’hôpital le 25 septembre 2016. Il avait 68 ans.

La police de Hong Kong teste trois véhicules blindés antiémeutes équipés de canons à eau, qui coûtent 2,12 millions de dollars américains chacun. Parmi ces tests, l’ajout d’une teinture dans le liquide, afin de marquer les personnes en vue d’une future identification. Lorsque des marqueurs sont employés, la personne peut ensuite être victime de harcèlement ou placée en détention de manière injustifiée. L’eau peut aussi contenir d’autres additifs, dont diverses substances chimiques irritantes, et il est donc impossible de projeter la dose appropriée et ciblée de substance irritante.

«Utiliser des canons à eau avec des substances irritantes et de la teinture dans des quartiers d’habitation fortement peuplés représente une réelle menace pour la liberté d’expression et de réunion pacifique. Outre les risques de blessures graves, l’utilisation de marqueurs signifie que de très nombreuses personnes, dont des manifestants pacifiques, des journalistes et des habitants du secteur, peuvent être marquées de manière aléatoire. Cela soulève des préoccupations en termes de droits humains quant au sort réservé aux personnes marquées une fois la foule dispersée, a déclaré Man-kei Tam.

«Nous demandons à la police de Hong Kong de faire preuve de la plus grande retenue au moment de décider de déployer des canons à eau. Cette arme puissante de maintien de l’ordre ne devrait être utilisée que de manière proportionnée lorsque le niveau de violence est tel qu’il ne peut pas être contenu en ciblant directement les individus impliqués dans des actes violents.»

Au 6 août, la police a déclaré avoir tiré 1’800 cartouches de gaz lacrymogènes, 300 balles en caoutchouc et 170 grenades en mousse depuis le début des manifestations le 9 juin. Le 5 août, en pleine grève générale, la police a tiré 800 cartouches de gaz lacrymogènes dans huit quartiers de la ville pour disperser les manifestants.

Plus de 600 personnes ont été arrêtées, dont 44 ont été inculpées d’«émeute», une infraction passible d’une peine de prison maximale de 10 ans. Les lois de Hong Kong relatives aux «rassemblements illicites» et aux «émeutes» sont loin de respecter les normes internationales.

Les affrontements entre policiers et manifestants se multiplient et des projectiles, dont des briques, du verre et des cocktails Molotov, sont lancés sur des policiers et des postes de police. Cependant, la réaction de la police ne fait qu’attiser les tensions.

Elle a tiré des gaz lacrymogènes dans des quartiers résidentiels à forte densité de construction, les gaz s’infiltrant à l’intérieur des habitations, y compris des maisons de retraite pour personnes âgées. D’après les dossiers médicaux de l’hôpital, le plus jeune patient était un bébé d’un an conduit aux urgences après avoir inhalé des gaz lacrymogènes chez lui, à Wong Tai Sin, le 5 août.

La police antiémeutes a aussi chargé des manifestants pacifiques, des journalistes et des habitants du secteur et tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sans donner d’avertissements clairs. Elle a continué de tirer des gaz lacrymogènes sur les manifestants qui se repliaient, ne leur laissant pas le temps ni bien souvent une issue pour se disperser en toute sécurité.

Des balles en caoutchouc ont été tirées, malgré la mauvaise visibilité due à la fumée des lacrymogènes, et des tirs ont visé des manifestants, des journalistes et des  observateurs des droits humains à la tête et à la colonne vertébrale.

«Les responsables de l’application des lois doivent pouvoir s’acquitter de leur devoir et protéger la population. Cependant, la violence dirigée contre la police ne donne pas aux policiers le feu vert pour réagir en usant d’une force excessive. La police doit éviter les tactiques qui exacerbent les violences et privilégier une approche permettant d’apaiser la situation», a déclaré Man-kei Tam.

Amnesty International formule les recommandations suivantes quant à l’utilisation des canons à eau:

  • Les responsables de l’application des lois devraient faire preuve de la plus grande retenue possible et recourir à la force uniquement lorsque cela est strictement nécessaire.
  • Les canons à eau ne devraient être utilisés que dans des circonstances strictement définies et uniquement si leur usage est légal, nécessaire et proportionné à l’objectif légitime de maintien de l’ordre.
  • Ils ne devraient être utilisés que lorsque le degré de violence est tel que les forces de l’ordre ne peuvent contenir la menace en ne ciblant directement que les personnes violentes.
  • Ils ne devraient jamais cibler des individus à faible distance, et ne jamais viser la tête.
  • Ils ne devraient jamais être utilisés contre des individus déjà appréhendés ou incapables de bouger.
  • Ils ne devraient jamais être utilisés dans des espaces confinés ni des lieux où les manifestants ne peuvent pas se disperser, tels que des impasses, des centres commerciaux, des gares et des stades.
  • Des voies de dispersion ou des sorties adaptées doivent être disponibles et les participants au rassemblement doivent être dûment avertis avant que des canons à eau ne soient utilisés.
  • Un organe composé d’experts indépendants, notamment médicaux, scientifiques et juridiques, entre autres, devraient évaluer rigoureusement les effets et les emplois possibles des canons à eau afin de démontrer si une utilisation légitime et sûre par les forces de l’ordre est envisageable en respectant des règles opérationnelles spécifiques conformes aux normes relatives aux droits humains.