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Covid-19 et le respect des droits humains dans nos chaînes d’approvisionnement

Communiqué de l’Initiative pour un devoir de vigilance au Luxembourg

La crise du Covid-19 nous rappelle de façon dramatique à quel point la transparence et la diligence dans les chaînes d’approvisionnement mondiales sont dans notre intérêt à toutes et à tous.

Les difficultés pour obtenir des équipements de sécurité (masques, vêtements de protection, …) sont un exemple oppressant de la fragilité des chaînes d’approvisionnement, que la Ministre de la Santé a également mentionné : « Je pense aussi qu’il y a un enseignement pour l’Europe, car c’est vraiment triste de voir à quel point, avec la globalisation, nous sommes devenus dépendants de chaînes de production peu transparentes et que nous ne sommes plus à même d’assurer nos propres besoins.»[1] À l’heure actuelle, dans certains secteurs de l’économie, il devient évident que certaines entreprises connaissent mal leur propre chaîne d’approvisionnement.

En cette période de crise sanitaire, il est important de mettre le focus sur le respect des droits humains tout au long des chaînes d’approvisionnement. C’est précisément au niveau des premières étapes de ces chaînes que de nombreux travailleurs sont particulièrement exposés à des risques en raison d’un manque de sécurité[2]. Les effets de la crise du Covid-19 dans les chaînes d’approvisionnement ont déjà eu des conséquences dramatiques au niveau des droits humains. En raison de l’annulation de commandes de production (comme par exemple dans le secteur textile), des centaines d’usines dans les pays producteurs du Sud sont fermées et des millions de travailleurs sont renvoyés chez eux, souvent sans paiement ni compensation prévus par la loi.

Outre les fermetures d’usines, des rapports inquiétants proviennent de certains pays où les ouvrières et ouvriers ont été contraints de poursuivre leur travail sans que des mesures de protection et d’hygiène adéquates aient été prises. Cela les a exposé, ainsi que leurs familles – et à travers elles, des communautés entières – à un grand risque de contagion. Il existe également un risque énorme que le virus se propage encore plus dans de nombreux pays du Sud. C’est précisément dans ce contexte que des mesures préventives des entreprises seraient essentielles.

La crise actuelle – malgré ses effets dévastateurs – offre l’occasion de repenser les modèles économiques actuels afin d‘aboutir par après à une relance économique plus durable. Les entreprises devraient mettre en place de meilleurs systèmes de gestion des risques dans de nombreux secteurs économiques au niveau mondial, qui pourraient prévenir les goulets d’étranglement de l’offre même en temps de crise. Si l’on veut parvenir à la transparence et à la sécurité des chaînes d’approvisionnement, il faut prendre en compte au même titre que les risques économiques, les défis au niveau des droits humains et des risques écologiques. Dans sa communication sur la réponse globale de l’UE à COVID-19, la Commission européenne souligne également que "malgré le déclin de la demande et lorsque l’économie se redressera", il sera important de garantir "le développement de chaînes de valeur solides et résistantes dans les secteurs stratégiques" et "que les critères de durabilité, de droits des travailleurs et de responsabilité sociale des entreprises soient respectés dans toutes les chaînes de valeur"[3].

En ce sens, Reinhard Loske, professeur en développement durable et président de Cusanus de la « Hochschule für Gesellschaftsgestaltung » à Bernkastel-Kues, a identifié les défis futurs, tout en appelant à « la création de structures de commerce mondial équitables et durables » à l’aide d’une « loi efficace sur le devoir de diligence au niveau des chaînes d’approvisionnement » et à une « dé-mondialisation sélective et une ré-régionalisation ciblée » afin de réduire la vulnérabilité de ces chaînes et « d’accroître ainsi la robustesse ("résilience") du système global.[4] »

Les décideurs politiques doivent donc saisir cette opportunité et fournir des éclaircissements aux entreprises sur ces exigences. Ces derniers mois, de nombreuses entreprises et acteurs de la société civile de toute l’Europe se sont prononcés en faveur d’un devoir de diligence contraignant en matière des droits humains. Dans l’étude de la Commission européenne du 8 mars 2020 une enquête auprès des entreprises montre que 70% d’entre elles reconnaissent qu’un système général de diligence raisonnable au niveau des droits humains et de l’impact environnemental pourrait présenter des avantages aux entreprises[5]. Une révision des systèmes de gestion dans le sillage de la crise actuelle peut être l’occasion de s’attaquer aux impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement dans les chaînes d’approvisionnement. En plus d’une étude sur la possibilité de légiférer au niveau national, le ministre Jean Asselborn s‘engage „pour une législation contraignante et effective“ au niveau européen.

Une chose est claire : les droits humains ne sont pas négociables, ils doivent être respectés – même en période économique difficile. Dans les mois à venir, nous devons tenir compte au niveau des plans de relance économique des défis en matière d‘un devoir de diligence au niveau des droits humains le long de nos chaînes d’approvisionnement. L’initiative pour un devoir de vigilance, composée de 17 organisations de la société civile, est prête – au niveau national et européen – à y contribuer ensemble avec des acteurs économiques et politiques engagés pour des chaines d’approvisionnement responsables et durables.

[1] https://paperjam.lu/: « Je pense aussi qu’il y a un enseignement pour l’Europe, car c’est vraiment triste de voir à quel point, avec la globalisation, nous sommes devenus dépendants de chaînes de production peu transparentes et que nous ne sommes plus à même d’assurer nos propres besoins.» [2] voir https://www.publiceye.ch/ [3] https://ec.europa.eu/ : « to build strong and resilient value chains in strategic sectors and ensure that sustainability, labour rights and corporate social responsibility criteria are respected throughout value chains despite the drop in demand and when the economy recovers“ [4] https://agora42.de/ [5] https://ec.europa.eu/