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Communiqué du LFR à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés

La Journée Mondiale des Réfugiés, célébrée le 20 juin, est traditionnellement l’occasion de mettre en lumière les questions d’asile au niveau international mais aussi au niveau européen et national.

Comme chaque année, le Collectif fait le bilan sur la situation au Luxembourg et de son action.

L’année passée fut marquée surtout par les élections législatives, lors desquelles le LFR à fait part de ses réflexions et revendications aux partis et au Formateur. De nombreuses revendications ont été reprises dans l’accord de coalition gouvernemental et c’est pour le LFR une grande reconnaissance de son travail de réflexion. La mise  en pratique de ces réformes a été évoquée par le Collectif, lors d’échanges avec le Ministre de l’Asile et de l’Immigration, Jean Asselborn et le Ministre du Travail, Dan Kersch.

Un autre dossier sensible, concernait la pratique au Luxembourg de procéder à l’examen des organes génitaux dans le cadre de la détermination de l’âge des « mineurs non accompagnés » qui présentent au Luxembourg une demande de protection internationale. Une pratique inacceptable, qui n’est plus appliquée après la mobilisation du LFR et d’autres organisations, comme la CCDH.

La fin des opérations navales dans le cadre de l’EUNAVFOR MED (opération Sophia) fut aussi dénoncée par le LFR, comme par tant d’autres organisations internationales qui considèrent impensable de combattre un crime – le trafic des passeurs – sans secourir les victimes !

Pour ce qui est des chiffres des réfugiés, la situation au niveau international continue à être dramatique : il y a toujours plus de 70 millions de personnes déracinées, selon les chiffres du Haut-Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies, les plus élevés depuis que l’organisation existe1. Selon les mêmes statistiques, rien que la Turquie accueille 3,5 millions de réfugiés. Des chiffres qui ridiculisent toute la polémique autour de l’accueil des 580.000 demandeurs d’asile en Europe en 2018, en baisse de 11 pour cent par rapport à 2017.

Au Luxembourg, on observe une baisse des demandeurs d’asile depuis 2015 (2019 exclut), il y a cependant une différence notable en 2018, car pour la première nous avons accueilli plus de demandeurs de protection internationale en provenance de l’Érythrée que de la Syrie, ce qui se vérifie encore en 2019.

Face à l’échec de la solidarité européenne, le drame des « Dublinés » n’en finit pas

La gestion de la « crise des réfugiés » par l’Union européenne est une immense déception : à tel point que la responsabilité pénale de l’UE est mise en cause devant la Cour pénale internationale, pour avoir laissé mourir en mer tant de migrants ayant tenté d’atteindre le sol européen.

La politique d’asile au sein des frontières européennes est également un désastre : le système du règlement européen Dublin III, qui visait à répartir la responsabilité du traitement des demandes d’asile entre les Etats membres, crée chaque jour des situations humaines dramatiques.

Cette année, le LFR a choisi de prendre part à une journée de sensibilisation sur les conditions des demandeurs de protection internationale (DPI) dans la Structure d’Hébergement d’Urgence du Kirchberg (SHUK). Pensée comme une alternative à la rétention pour les personnes susceptibles de faire l’objet d’un transfert en vertu du règlement Dublin III, la SHUK est en fait une alternative à l’accueil volontairement plus précaire que dans les autres structures d’hébergement de façon à dissuader les « mouvements secondaires » et à éviter « l’appel d’air ». 

Or les mouvements dits secondaires continuent. Alors que les arrivées de demandeurs d’asile baissent sur le continent européen, le nombre de demandes déposées au Luxembourg entre janvier et avril est de plus de 40% plus élevé qu’en 2018 sur la même période.

Plus de la moitié des demandes d’asile enregistrées dans notre pays font l’objet d’une demande de reprise en charge à un autre État membre. Or, l’application du règlement Dublin est à bout de souffle et les tribunaux nationaux ont de plus en plus de mal à s’appuyer sur la confiance mutuelle entre États membres. En effet, certains États reconnaissent une situation de violence généralisée en Afghanistan ou en Érythrée, quand d’autres continuent d’exécuter des renvois forcés. De même, certains tribunaux reconnaissent qu’il est impossible de renvoyer des DPI en Italie, du fait des défaillances rendues évidentes à ce jour par la politique de Salvini ; quand d’autres (notamment les juges luxembourgeois) ferment les yeux et condamnent au dénuement extrême des survivants du chaos libyen. Dans ce contexte, il devient indécent de faire la morale à des réfugiés qui ne respecteraient pas les règles européennes !

Quant aux demandeurs de protection internationale déboutés, le LFR espère qu’un vrai travail d’accompagnement et de préparation au retour sera enfin mis en place, l’objectif étant de favoriser les retours volontaires avec une préparation logistique,  matérielle, sociale et psychologique. Il est temps de concrétiser les promesses datant encore de 2013 concernant l’ouverture d’une maison retour et complétées par celles d’un dispositif d’accompagnement au retour personnalisé figurant dans le programme du gouvernement actuel, Le LFR salue la volonté y exprimée de proposer des alternatives au placement en rétention et tient à rappeler qu’il s’est toujours opposé à la mesure de rétention et revendique l’utilisation des alternatives moins coercitives tout en considérant que le bracelet électronique et le dépôt d’une garantie de 5000€ ne sont pas des alternatives effectives. 

Revendications :

  • Arrêt des transferts vers l’Italie ;
  • Harmonisation de l’application des critères d’octroi de l’asile dans l’UE et, en attendant, arrêt des transferts lorsqu’il y a risque en cascade d’un refoulement vers un pays que le Luxembourg estime dangereux ;
  • Mise en œuvre rapide d’un dispositif d’accompagnement au retour personnalisé des personnes déboutées tel qu’annoncé dans le programme de coalition ;
  • Mise en place des alternatives effectives au placement en rétention.
L’intégration au point mort

Le Collectif s’était réjoui de constater le programme ambitieux en matière d’asile et d’intégration annoncé par la coalition gouvernementale renouvelée. Il est plus que temps de concrétiser ces promesses.

Pour mener à bien une politique d’intégration efficace, il faut d’abord des mesures d’identification des besoins et une prise en charge adéquate des vulnérabilités. Or dans le projet actuel de séparation administrative de l’accueil et de l’intégration, le flou est total sur qui porte cette responsabilité cruciale.

Le LFR a toujours insisté auprès des autorités sur le besoin d’un travail d’autonomisation et d’intégration structuré, cohérent et avec des moyens à la hauteur du défi. Malheureusement ce n’est toujours pas le cas. L’appel à projets du Plan national d’action intégration vient seulement d’être lancé alors qu’il fut approuvé par le Gouvernement le 13 juillet 2018. Entretemps, beaucoup de projets qui avaient été financés par l’Oeuvre Grande Duchesse Charlotte n’ont pas trouvé de financement alternatif et ont du arrêter leurs activités, ce qui a eu un impact négatif sur le travail en faveur de l’autonomisation et de l’intégration des DPI.

De même, nous déplorons que les fonds européens prévues par l’AMIF (Asile, migration et intégration) n’aient pas fait l’objet d’appels à projets. Cela représente une perte pour toutes les parties prenantes.

En outre, le Gouvernement avait poursuivi le développement du PIA (Parcours d’intégration accompagnée) organisé essentiellement en trois phases et dont la phase 1 et la phase 2 (en partie) avaient très bien démarré.

Malheureusement, personne n’entend plus parler des phases suivantes de ce plan et notamment de la phase 3 qui devait cibler les bénéficiaires de la protection internationale (BPI).

Une question cruciale liée à l’intégration est celle de l’accès au marché du travail. La méthode nationale a longtemps écarté les DPI en cours de procédure de mesures d’intégration au motif qu’une partie d’entre eux avait vocation à être déboutée. Il est temps de revoir cette stratégie qui entraîne l’inactivité forcée et éloigne du marché de l’emploi les personnes qui vont rester dans notre pays.

En mars 2019 lors d’une entrevue avec le Ministre du Travail, le LFR a présenté ses propositions en matière d’accès au marché du travail pour les DPI. Entre autres, le LFR propose :

  • La mise en place d’un diagnostic individualisé des DPI afin d’identifier rapidement les compétences et les besoins ;
  • L’accès des DPI à des mesures d’activation tels que le travail communautaire, stages en entreprise, volontariat pour les jeunes, etc.
  • Une réforme approfondie de l’Autorisation d’occupation temporaire (AOT) ;
  • La suppression de la préférence communautaire pour les DPI, après 12 mois de procédure.
______________________ 1 UNHCR – Global trends 2018 – https://www.unhcr.org/globaltrends2018/