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Arabie saoudite. La réforme de la peine de mort pour les mineurs ne va pas assez loin, il faut instaurer l’abolition totale

À la suite de l’annonce faite par l’Arabie saoudite, qui prévoit d’abolir la peine capitale contre les personnes âgées de moins de 18 ans au moment du crime commis dans les affaires ne relevant pas de la Loi de lutte contre le terrorisme, Amnesty International demande au pays d’aller plus loin et d’abolir totalement la peine de mort.

« Cette mesure est un grand pas en avant pour l’Arabie saoudite si elle est mise en œuvre ; toutefois, le recours à la peine capitale dans le pays a atteint un record choquant en 2019, avec 184 exécutions recensées, a déclaré Heba Morayef, directrice pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.

« La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Aucun pays ne devrait plus l’appliquer et le bilan de l’Arabie saoudite à cet égard est particulièrement mauvais. Elle doit sans plus attendre instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, à titre de premier pas sur la voie de l’abolition totale de la peine capitale.

« Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que des dizaines de défenseur·es pacifiques des droits humains sont toujours détenus pour des condamnations prononcées à l’issue de procès iniques, uniquement pour avoir fait campagne en faveur de l’égalité et de la justice dans un environnement très répressif. »

Les autorités saoudiennes ont annoncé le 26 avril que le pays allait cesser de recourir à la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés. Cette sentence sera remplacée par une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement.

D’après les informations obtenues par Amnesty International, le décret royal exclut les crimes relevant de la Loi de lutte contre le terrorisme. On ignore quelle sera la peine encourue par les mineurs délinquants s’ils sont jugés au titre de cette loi. Or, Amnesty International a recueilli des informations sur l’utilisation abusive par les autorités saoudiennes de la Loi de lutte contre le terrorisme, qui définit de manière excessivement générale et vague les termes « terrorisme » et « infraction terroriste », et contient des dispositions qui érigent en infraction l’expression pacifique d’opinions.

Depuis des années, l’Arabie saoudite piétine le droit international interdisant l’usage de la peine capitale contre les personnes âgées de moins de 18 ans au moment du crime commis. Amnesty International fait campagne depuis longtemps pour que soient annulées les condamnations à mort prononcées contre Ali al Nimr, Abdullah al Zaher et Dawood al Marhoon, trois jeunes hommes membres de la minorité chiite, tous arrêtés alors qu’ils avaient moins de 18 ans. Ils risquent d’être exécutés de manière imminente, après avoir été jugés dans le cadre de procès iniques par le Tribunal pénal spécial.

Les autorités n’ont pas encore rendu public le décret royal contenant l’annonce et ses règlements d’application demeurent flous. À la connaissance d’Amnesty International, les familles des condamnés à mort n’ont pas encore reçu d’informations concernant le cas de leurs proches.

La semaine dernière, la Cour suprême saoudienne a publié une directive enjoignant aux tribunaux de ne plus prononcer de peines de flagellation à titre de châtiment discrétionnaire et de les remplacer par des peines de prison assorties ou non d’amendes. On ignore si cela s’appliquera aux peines de flagellation impérativement prévues pour diverses infractions au titre de la charia, notamment pour des infractions sexuelles ou liées à la consommation d’alcool.

Loi relative aux mineurs La récente annonce s’inscrit dans le sillage de la Loi relative aux mineurs, promulguée en 2018, qui interdit aux juges de prononcer des condamnations à mort à titre de châtiment discrétionnaire contre les personnes âgées de moins de 15 ans. Cependant, cette loi ne leur interdit pas de prononcer la peine capitale contre les mineurs reconnus coupables au titre de la charia de crimes passibles de hadd (peines fixes et sévères) ou de qisas (« réparation »), qui prévoit de punir certains crimes comme les meurtres et les coups et blessures par des châtiments identiques (la peine de mort pour les meurtres et les mêmes blessures pour des dommages corporels). La loi ne respectait donc pas les obligations incombant à l’Arabie saoudite au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant.

L’annonce faite par les autorités saoudiennes, qui est un pas en avant dans la lignée de la Loi relative aux mineurs, doit être assortie de règlements d’application précis n’excluant aucun mineur de la réforme.

Complément d’information Dans son rapport annuel sur la peine de mort, Amnesty International révélait que l’Arabie saoudite a exécuté un nombre record de personnes en 2019, dans un contexte de diminution du nombre d’exécutions recensées à l’échelle mondiale. Les autorités saoudiennes ont mis à mort 184 personnes l’année dernière, soit le plus grand nombre d’exécutions recensées par Amnesty International en compilant ses recherches et les chiffres du ministère de l’Intérieur depuis 2000.