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AMNESTY DONNE (ENCORE) L’ALERTE SUR LE FINANCEMENT DES ARMES ILLEGALES

Luxembourg, 29 janvier 2019. Trois ans après la sortie du rapport « Banks, arms and human rights violations », Amnesty International Luxembourg demande de nouveau que les pouvoirs publics et le secteur financier adoptent enfin des mesures pour contribuer activement à la lutte contre l’utilisation criminelle de certaines armes et les souffrances qu’elles causent. Car, alors que la violence armée fait chaque jour de nouvelles victimes innocentes partout dans le monde, les responsables ne bougent pas. Le gouvernement luxembourgeois, qui avait pourtant affirmé après la sortie du rapport « Banks, arms and human rights violations » son engagement inconditionnel pour une meilleure réglementation du commerce des armes, n’a pris à ce jour aucune mesure concrète pour appliquer les recommandations formulées par Amnesty International Luxembourg.

« Face à cette absence d’avancée, trois ans après la sortie du rapport "Banks, arms and human rights violations", nous donnons à nouveau l’alerte sur la question du financement des armes illégales ou à usage illégal, et demandons aux pouvoirs publics et au secteur financier, au Luxembourg et ailleurs, de tenir compte des recommandations formulées dans le rapport », a déclaré Laure Oudet-Dorin, coordinatrice business & droits humains au sein d’Amnesty International Luxembourg.

Dans ce rapport, Amnesty International avait mis en évidence les insuffisances de la loi en matière de financement des armes strictement interdites par le droit international (telles que les armes chimiques ou les mines antipersonnel) et des armes qui, bien qu’autorisées, sont destinées à perpétrer des violations graves du droit international et des droits humains (par exemple des fusils d’assaut vendus aux forces armées d’un État connu pour perpétrer des crimes de guerre).

Amnesty International Luxembourg avait demandé au gouvernement d’interdire de façon stricte toute activité financière liée à des armes illégales ou destinées à un usage illégal, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective de cette interdiction.

Si la Loi du 27 juin 2018 relative au contrôle de l’exportation, du transfert, du transit et de l’importation des biens de nature strictement civile, des produits liés à la défense et des biens à double usage, constitue une étape positive vers un meilleur encadrement du commerce des armes, les mesures prises par le gouvernement demeurent insuffisantes. Amnesty International note que dans l’Accord de Coalition 2018-2023, le gouvernement luxembourgeois a affirmé que « l’engagement du Luxembourg pour un monde plus sûr avec moins d’armes sera poursuivi » et espère que cet engagement sera rapidement concrétisé à travers l’adoption de mesures en ligne avec les recommandation du rapport « Banks, arms and human rights violations » .

Par ailleurs, Amnesty International Luxembourg regrette que le Plan d’Action National (PAN) 2018-2019 du gouvernement luxembourgeois pour la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme ne prévoit aucune action relative aux activités financières liées aux armes illégales ou destinées à un usage illégal.

Les principales recommandations formulées par Amnesty International Luxembourg en 2016 étaient les suivantes :

Prohiber des activités financières liée aux armes interdites par le droit international

En ce qui concerne la proposition visant à interdire les activités financières liées aux armes interdites par le droit international, le gouvernement luxembourgeois avait indiqué, en décembre 2016, que "les acteurs concernés continuent leur étude quant à l’opportunité d’adopter cette mesure" en droit interne. Malgré plusieurs relances, Amnesty International Luxembourg n’a pas été informé des conclusions de cette étude. Rappelons qu’actuellement, seules les activités financières liées aux armes à sous-munitions sont interdites par le droit luxembourgeois.

Interdire le financement des armes légales dans les cas où celles-ci sont destinées à un usage interdit

S’agissant de la proposition d’Amnesty relative à l’interdiction du financement des armes légales dans les cas où celles-ci sont destinées à un usage interdit, le gouvernement n’a pas jugé nécessaire d’introduire en droit interne luxembourgeois une disposition imposant aux banques de détecter (en vue de leur interdiction) les transactions financières liées à des armes destinées à un usage interdit et craint qu’une telle obligation ne crée des "obstacles administratifs inutiles et inefficaces" dans le fonctionnement de la place financière. Amnesty International Luxembourg considère au contraire qu’une interdiction générale de financement des armes illégales ou destinées à un usage illégal devrait se faire sans effort supplémentaire significatif par rapport aux obligations légales qui pèsent déjà sur les établissements financiers.

Renforcer les procédures de contrôle

En effet, les procédures de contrôle nécessaires sont en principe déjà en place dans les établissements situés au Luxembourg (et dans le reste de l’Union européenne), en application de la législation sur la lutte contre le financement du terrorisme, qui impose de détecter les transactions à risques sur la base de critères comme le profil du client, le pays de destination, la nature de la transaction, etc. Grâce à ces procédures, les banques ne peuvent ignorer le bénéficiaire effectif et l’usage final des armes, ce qui leur donne la capacité pratique de détecter non seulement les transactions liées au terrorisme, mais également celles liées à d’autres usages illégaux des armes.

Amnesty International Luxembourg ne doute pas que, dans le contexte actuel, la correcte application des procédures liées à la lutte contre le financement du terrorisme constitue une priorité pour le gouvernement luxembourgeois, et qu’il travaille avec les autres acteurs concernés, dont la CSSF, au renforcement des contrôles dans ce domaine. Dans ces conditions, il n’y a pas d’obstacle d’ordre pratique à l’instauration en droit luxembourgeois d’une interdiction générale de tout financement d’armes illégales ou destinées à un usage illégal.

Interrogée par Amnesty International Luxembourg sur la question du renforcement des procédures liées à la lutte contre le financement du terrorisme et sur la possibilité d’y recourir pour détecter les transactions liées à d’autres usages interdits des armes, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF), autorité chargée de contrôler ces procédures, a rencontré Amnesty International Luxembourg et indiqué qu’une telle possibilité doit être prévue par la loi pour que la CSSF puisse l’appliquer. Quant à l’Association des Banques et Banquiers, Luxembourg (ABBL), elle a reçu les représentants d’Amnesty International Luxembourg pour échanger sur les conclusions et les recommandations du Rapport, mais n’a annoncé aucune mesure au nom des banques qu’elle représente.