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Hong Kong. L’absence d’obligation de rendre des comptes dans les affaires de violences policières risque d’alimenter des troubles

Il est indispensable qu’une enquête indépendante soit menée sur les violences policières commises durant les manifestations de Hong Kong, afin de prévenir la reprise des troubles dans la ville et de rétablir la confiance du public, écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse publiée jeudi 5 mars.

Ce document, intitulé Missing truth, missing justice, examine les failles insurmontables détectées dans les mécanismes d’obligation de rendre des comptes de la police de Hong Kong. La synthèse explique qu’il est essentiel d’établir une commission indépendante qui serait chargée d’enquêter sur les violations des droits humains de grande ampleur ayant eu lieu durant les manifestations de masse ayant éclaté l’an dernier.

« Chaque jour que le gouvernement hongkongais s’entête à ne pas diligenter d’enquête indépendante amplifie le vide laissé par l’absence de responsabilisation et aggrave l’érosion de la confiance du public », a déclaré Nicholas Bequelin, directeur régional à Amnesty International.

« Le système actuellement chargé de recevoir les plaintes contre la police est inadéquat. Aucune institution ne devrait se voir confier la tâche d’enquêter sur elle-même – c’est au public que la police doit rendre des comptes.

« Il est indispensable que le gouvernement autorise de toute urgence un organe impartial à faire la lumière sur ce qui s’est passé durant les manifestations et à émettre des recommandations une fois les conclusions rendues. »

L’appel en faveur d’une enquête indépendante sur le recours de la police à la force reste l’une des principales demandes de la population hongkongaise, et a été relayé par les Nations unies. En octobre 2019, la haut-commissaire aux droits de l’homme a demandé l’ouverture dans les meilleurs délais d’une véritable enquête, indépendante et impartiale.

Le gouvernement hongkongais continue cependant à se montrer réticent à établir un mécanisme distinct d’investigation, comme une commission d’enquête par exemple. Il affirme au contraire que le Conseil indépendant des plaintes contre la police est compétent pour enquêter sur les allégations de violences et d’autres abus policiers.

« Les manifestations de masse ayant ébranlé Hong Kong lors de la deuxième moitié de l’année 2019 ne sont pas terminées. Les autorités comptent peut-être sur l’épidémie de coronavirus pour calmer les troubles, mais si elles n’agissent pas, il est probable que les actions de protestation – et les violations qui y sont liées – fassent leur retour », a déclaré Nicholas Bequelin.

« La population hongkongaise est profondément excédée par le recours de la police à une force injustifiée et excessive, qui reste par ailleurs impuni. Il est essentiel qu’une enquête indépendante établisse les responsabilités et que justice soit faite pour les violences perpétrées dans la rue depuis l’été dernier. Les Hongkongais méritent la vérité. »

En juillet 2019, le Conseil indépendant des plaintes contre la police a décidé de mener une enquête d’établissement des faits sur le maintien de l’ordre assuré lors de diverses manifestations, et a convié un groupe d’experts à participer.

Ce groupe a démissionné en décembre 2019, déclarant que le Conseil indépendant n’avait ni les capacités, ni les pouvoirs d’enquête requis pour « satisfaire aux critères minimum que les citoyens de Hong Kong sont susceptibles d’exiger de la part d’un organisme de contrôle de la police dans une société accordant de l’importance aux libertés et au respect des droits ».

« La confiance du public envers le gouvernement et la police s’est effondrée, et une commission d’enquête est une première étape cruciale vers la guérison des profondes blessures causées par la gestion des manifestations. Établir une commission indépendante afin d’enquêter sur les violations des droits humains commises depuis les manifestations de juin 2019 reviendrait pour le gouvernement à reconnaître qu’il y a eu des dérives et qu’il faut s’en préoccuper et y remédier en urgence », a déclaré Nicholas Bequelin.

« Une commission d’enquête disposant de ressources et de pouvoirs d’enquêtes adéquats est apte à s’attaquer aux causes profondes des violations des droits humains à plus grande échelle. Cela signifie surtout que ses recommandations ont la capacité d’empêcher que la situation ne se reproduise, et de rompre le cycle de la violence, y compris celle employée par certains des manifestant·e·s. »

Tout au long des manifestations, Amnesty International a constaté un recours systématique et alarmant à des tactiques imprudentes et inconsidérées de la part de la police de Hong Kong une fois que celle-ci a commencé à appliquer la tolérance zéro dans le cadre du maintien de l’ordre, à l’occasion de rassemblements.

Ces violations très étendues des droits humains ont notamment pris la forme d’un recours injustifié et excessif à la force, comme par exemple : l’utilisation dangereuse de balles de caoutchouc et de « sacs à fèves » ; l’emploi abusif de gaz lacrymogène et de gaz poivre ; et l’utilisation de canons à eau.

Amnesty International a recueilli plusieurs témoignages selon lesquels des manifestant·e·s ont été roués de coups en détention et victimes d’autres formes de mauvais traitements, allant parfois jusqu’à la torture.

Des éléments très crédibles semblent indiquer que la police a non seulement échoué dans sa mission consistant à désamorcer les tensions, mais qu’elle les a en outre exacerbées en recourant à la force de manière injustifiée et excessive, et en bénéficiant d’une impunité persistante pour ces comportements.