Manifestation le 20 octobre 2018 à São Paulo © Nelson Almeida/AFP/Getty Images

« Année de la honte » en Arabie saoudite : la répression contre les détracteurs et les défenseurs des droits se poursuit

Le 15 mai 2019 marque le premier anniversaire de l’arrestation de plusieurs défenseures des droits humains bien connues en Arabie Saoudite et clôture une année honteuse en termes de droits humains dans le royaume, au cours de laquelle des militants, des journalistes, des universitaires et des écrivains ont été pris pour cibles, a déclaré Amnesty International le 15 mai.

Au cours de l’année écoulée, des militants saoudiens, dont plusieurs femmes qui défendent les droits humains, ont subi le terrible calvaire de la détention arbitraire, sans pouvoir communiquer avec ni voir leurs proches pendant de longs mois et sans pouvoir consulter un avocat. Des militantes ont aussi livré au tribunal des récits détaillés des actes de torture, des mauvais traitements et des sévices sexuels qu’elles ont subis, et la plupart encourent aujourd’hui une peine de prison en raison de leurs propos et de leurs activités militantes pacifiques.

« Cette journée marque une année de la honte pour l’Arabie Saoudite. Il y a un an, les autorités commençaient à enfermer des militantes saoudiennes parmi les plus courageuses, au lieu de se réjouir de mesures concertées qui auraient dû permettre de faire progresser les droits des femmes dans le pays, a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches pour le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Ensuite, elles se sont mises à arrêter ceux qui osaient encore se mobiliser en faveur de ces femmes, défendre les droits des femmes dans le pays ou simplement s’interroger sur la politique menée par le pouvoir. »

Loujain al Hathloul, Iman al Nafjan et Aziza al Yousef, en première ligne de la défense des droits des femmes en Arabie Saoudite, ont été arrêtées le 15 mai 2018 et comparaissent en justice en raison de leur travail en faveur des droits humains depuis mars 2019.

Iman al Nafjan et Aziza al Yousef font partie d’un groupe de sept femmes remises en liberté provisoire au cours des deux derniers mois, tandis que Loujain al Hathloul et plusieurs militantes sont toujours derrière les barreaux. Les défenseures des droits humains Nassima al Sada et Samar Badawi sont détenues sans inculpation depuis juillet 2018, tout comme des dizaines d’autres militants. En avril 2019, les autorités ont durci leur répression contre les détracteurs, placé en détention arbitraire au moins 14 journalistes, écrivains, universitaires et membres de la famille des défenseures des droits des femmes.

En novembre 2018, Amnesty International a révélé des informations faisant état de torture, de mauvais traitements et de sévices sexuels infligés à au moins 10 militants maintenus en détention arbitraire depuis mai 2018, dont plusieurs défenseures des droits humains. Elle a demandé aux autorités de permettre à des observateurs indépendants de pouvoir rencontrer les militants en détention.

« C’est aussi une journée de la honte pour les plus proches alliés occidentaux de l’Arabie saoudite, à savoir les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Au lieu d’accorder la priorité aux accords commerciaux et aux contrats d’armement, ils devraient se montrer intransigeants – et ce publiquement – et faire pression sur les autorités saoudiennes afin qu’elles libèrent immédiatement et sans condition toutes les personnes incarcérées pour avoir exprimé leurs opinions de manière pacifique », a déclaré Lynn Maalouf.

Quelques mois après la vague d’arrestations ciblant les militants des droits des femmes, les autorités saoudiennes ont durci leur répression contre les dissidents, comme le montrent des appels du parquet en faveur de l’exécution de responsables religieux et de militants chiites jugés par la juridiction antiterroriste du pays pour des accusations liées à l’exercice de leurs droits pacifiques à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Il s’agit entre autres du dignitaire religieux Sheikh Salman al Awda, accusé de 37 chefs d’inculpation, notamment d’appartenir aux Frères musulmans et d’avoir appelé à réformer le gouvernement.

Fin avril 2019, les autorités ont également procédé à l’exécution collective de 37 hommes, pour la plupart issus de la minorité chiite du pays et exécutés à l’issue de procès iniques. Au moins 15 hommes exécutés le mois dernier ont été condamnés à mort sur la base d’« aveux » qui, selon eux, leur ont été extorqués sous la torture, dont un jeune homme reconnu coupable d’un crime qui se serait déroulé alors qu’il avait moins de 18 ans.

Depuis le début de l’année 2019, l’Arabie saoudite a mis à mort au moins 110 personnes.

Complément d’information

À l’occasion du premier anniversaire des arrestations, Amnesty International demande une nouvelle fois à ses sympathisants dans le monde entier de poursuivre leur action en faveur des militantes détenues jusqu’à ce qu’elles soient enfin totalement libres.

Au cours de l’année écoulée, plus de 280 000 personnes ont témoigné leur solidarité aux défenseures des droits humains et militants saoudiens en signant des pétitions et en écrivant aux autorités du royaume pour réclamer leur libération.

Mercredi 15 mai, Amnesty International Royaume-Uni et ALQST, organisation qui fait campagne sur les questions de droits humains en Arabie saoudite, organisent un événement pour marquer l’année écoulée depuis l’arrestation du groupe des défenseures des droits humains.