Deux ans après la sortie du rapport « Banks, arms and human rights violations », Amnesty International Luxembourg demande de nouveau que les pouvoirs publics et le secteur financier adoptent enfin des mesures pour contribuer activement à la lutte contre l’utilisation criminelle de certaines armes et les souffrances qu’elles causent. Car, alors que la violence armée fait chaque jour de nouvelles victimes innocentes partout dans le monde, le gouvernement luxembourgeois, qui avait pourtant affirmé après la sortie du rapport « Banks, arms and human rights violations » son engagement inconditionnel pour une meilleure réglementation du commerce des armes, n’a pris à ce jour aucune mesure pour appliquer les recommandations formulées par Amnesty International Luxembourg, et n’a même jamais répondu aux courriers de suivi que l’organisation lui a adressés au cours de l’année 2017.
« Face à cette absence d’avancée, deux ans après la sortie du rapport Banks, arms and human rights violations, nous donnons à nouveau l’alarme sur la question du financement des armes illégales ou à usage illégal, et demandons aux pouvoirs publics et au secteur financier, au Luxembourg et ailleurs, de tenir compte des recommandations formulées dans le rapport », a déclaré Laure Oudet-Dorin, coordinatrice « Business et droits humains » au sein d’Amnesty International Luxembourg.
Cette absence d’avancée est d’autant plus regrettable que le rapport « Banks, arms and human rights violations » a déclenché une réflexion et un positionnement d’Amnesty International sur le plan mondial. C’est en effet sur base de ce rapport, produit par la section luxembourgeoise d’Amnesty International, dont les conclusions ont été reprises par plusieurs autres sections d’Amnesty International à travers le monde, que le Conseil international d’Amnesty International a entrepris, en août 2017, d’élaborer une stratégie afin d’obtenir l’interdiction des activités financières liées aux armes interdites et aux armes légales utilisées à des fins criminelles. Dans ce cadre, les progrès réalisés dans les différents pays vont faire l’objet d’une attention particulière.
Dans le rapport « Banks, arms and human rights violations », Amnesty International Luxembourg avait mis en évidence les insuffisances de la loi en matière de financement des armes strictement interdites par le droit international (telles que les armes chimiques ou les mines antipersonnel) et des armes qui, bien qu’autorisées, sont destinées à perpétrer des violations graves du droit international et des droits humains (par exemple des fusils d’assaut vendus aux forces armées d’un Etat connu pour perpétrer des crimes de guerre).
Amnesty International Luxembourg avait demandé au gouvernement d’interdire de façon stricte toute activité financière liée à des armes illégales ou destinées à un usage illégal, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective de cette interdiction.
LA LOI DOIT INTERDIRE LES ACTIVITÉS FINANCIÈRES LIÉES AUX ARMES ILLEGALES OU DESTINEES A UN USAGE ILLEGAL
En ce qui concerne la proposition visant à interdire les activités financières liées aux armes interdites par le droit international, le gouvernement luxembourgeois avait indiqué, en décembre 2016, que « les acteurs concernés continuent leur étude quant à l’opportunité d’adopter cette mesure » en droit interne. Malgré plusieurs relances, Amnesty International Luxembourg n’a pas été informé des conclusions de cette étude. Rappelons qu’actuellement, seules les activités financières liées aux armes à sous-munitions sont interdites par le droit luxembourgeois.
S’agissant de la proposition d’Amnesty International relative à l’interdiction du financement des armes légales dans les cas où celles-ci sont destinées à un usage interdit, le gouvernement n’a pas jugé nécessaire d’introduire en droit interne luxembourgeois une disposition imposant aux banques de détecter (en vue de leur interdiction) les transactions financières liées à des armes destinées à un usage interdit et craint qu’une telle obligation ne crée des « obstacles administratifs inutiles et inefficaces » dans le fonctionnement de la place financière. Amnesty International Luxembourg considère au contraire qu’une interdiction générale de financement des armes illégales ou destinées à un usage illégal devrait se faire sans effort supplémentaire significatif par rapport aux obligations légales qui pèsent déjà sur les établissements financiers.
LES PROCEDURES DE CONTROLE DOIVENT ETRE RENCORCEES
En effet, les procédures de contrôle nécessaires sont en principe déjà en place dans les établissements situés au Luxembourg (et dans le reste de l’Union européenne), en application de la législation sur la lutte contre le financement du terrorisme, qui impose de détecter les transactions à risques sur la base de critères comme le profil du client, le pays de destination, la nature de la transaction, etc. Grâce à ces procédures, les banques ne peuvent ignorer le bénéficiaire effectif et l’usage final des armes, ce qui leur donne la capacité pratique de détecter non seulement les transactions liées au terrorisme, mais également celles liées à d’autres usages illégaux des armes.
Amnesty International Luxembourg ne doute pas que, dans le contexte actuel, la correcte application des procédures liées à la lutte contre le financement du terrorisme constitue une priorité pour le gouvernement luxembourgeois, et qu’il travaille avec les autres acteurs concernés, dont la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF), autorité chargée de contrôler ces procédures, au renforcement des contrôles dans ce domaine. Dans ces conditions, il n’y a pas d’obstacle d’ordre pratique à l’instauration en droit luxembourgeois d’une interdiction générale de tout financement d’armes illégales ou destinées à un usage illégal.
Interrogée par Amnesty International Luxembourg sur la question du renforcement des procédures liées à la lutte contre le financement du terrorisme et sur la possibilité d’y recourir pour détecter les transactions liées à d’autres usages interdits des armes, la CSSF a rencontré Amnesty International Luxembourg et indiqué qu’une telle possibilité doit être prévue par la loi pour que la CSSF puisse l’appliquer. Quant à l’Association des Banques et Banquiers, Luxembourg (ABBL), elle a reçu les représentants d’Amnesty International Luxembourg pour échanger sur les conclusions et les recommandations du rapport, mais n’a annoncé aucune mesure au nom des banques qu’elle représente.