« Encore trop de crimes impunis ! » article d’opinion du groupe Justice Internationale d’AI-Luxembourg

La Journée de la justice pénale internationale célèbre l’instauration de la Cour pénale internationale (CPI) suite à l’adoption du Statut de Rome le 17 juillet 1998. C’est l’occasion de faire un point sur la justice pénale internationale.

A ce jour, seul un faible nombre de personnes ont été condamnées pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide. Il est illusoire pour la CPI d’assumer seule la tâche de condamner les auteurs de tels crimes qui concernent l’ensemble de la communauté internationale. Amnesty International soutient avec force que les juridictions nationales et la CPI doivent ensemble être les instruments de la justice internationale pour lutter contre l’impunité.

Pour que les Etats puissent pleinement jouer leur rôle en matière de lutte contre l’impunité, leurs législations nationales doivent intégrer les définitions de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide. Les Etats doivent aussi reconnaître le principe de compétence universelle selon lequel les juridictions nationales sont compétentes pour juger ces crimes quel que soit le lieu de leur commission et la nationalité de leur auteur. Enfin, les Etats doivent allouer des moyens financiers et humains conséquents pour la poursuite et le jugement des criminels.

Dans ce contexte, nous saluons l’adoption le 27 février 2012 par le Luxembourg d’une loi qui réprime le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agression. Nous regrettons toutefois que les crimes commis à l’étranger ne puissent être jugés au Luxembourg qu’à certaines conditions. Il s’agit là d’une restriction au principe de compétence universelle qui empêche le Luxembourg d’agir efficacement contre l’impunité.

La CPI a rendu son premier verdict le 14 mars 2012 en reconnaissant la culpabilité de Thomas Lubanga pour avoir enrôlé des enfants-soldats en République Démocratique du Congo. Il a été condamné le 10 juillet dernier à une peine de 14 ans de prison. Cette condamnation sera pour la première fois l’occasion pour les victimes d’avoir accès à une demande en réparation. Mais la CPI manque de moyens car les Etats refusent actuellement d’accroître leur aide financière alors que les activités de la CPI se multiplient. Ceci met les victimes dans l’impossibilité de participer aux procédures et de demander réparation devant la CPI. C’est pourquoi Amnesty International appelle le gouvernement luxembourgeois à renforcer son soutien politique et financier à la CPI et à contribuer au Fonds de la CPI au profit des victimes. Cette contribution est essentielle pour aider les victimes à reconstruire leur vie en les replaçant autant que possible dans la situation où elles se trouvaient avant le crime.

En 10 ans, le bilan de la CPI n’est pas négligeable. Elle mène actuellement des enquêtes dans sept pays africains et examine des allégations de crimes dans sept autres pays afin de déterminer s’il y a lieu d’ouvrir des enquêtes. Plusieurs chefs d’États, comme le président soudanais Omar el Béchir, sont ou ont été sous le coup de mandats d’arrêt de la CPI. Néanmoins, de nombreux Etats entravent l’accès à la justice en ne coopérant pas pleinement avec la CPI. En outre, le Conseil de sécurité des Nations unies (qui a la capacité de saisir la CPI) s’en est abstenu à plusieurs reprises, comme c’est le cas actuellement en Syrie. Par ailleurs, si 121 Etats ont déjà ratifié le Statut de Rome, nombreux sont ceux qui doivent encore le faire.

Enfin, les événements récents ont montré que la CPI peut être menacée directement par les Etats. Ainsi, le 7 juin dernier, quatre membres de la CPI ont été détenus en Lybie après s’être entretenus avec Saïf al Islam Kadhafi, dont son avocate. S’ils ont été libérés le 2 juillet dernier, ce genre d’évènement illustre certains des défis que doit aujourd’hui affronter la CPI. La CPI est encore jeune, les affaires traitées sont extraordinairement complexes et demandent du temps. Le 15 juin dernier la nouvelle procureure générale de la CPI, Fatou Bensouda, a été nommée. De nombreux défis l’attendent. Saura-t-elle promouvoir la justice pénale internationale dans le continent africain ? Saura-t-elle, surtout, rappeler au monde que l’engagement de la CPI doit dépasser l’Afrique, qui est jusqu’à présent le seul hôte des enquêtes de la CPI ?