Arabie saoudite. Une année de répression sanglante depuis la flagellation de Raif Badawi

La situation des droits humains n’a cessé de se détériorer en Arabie saoudite ces douze derniers mois, depuis que le blogueur Raif Badawi a été flagellé en public pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression, a déclaré Amnesty International la veille du 9 janvier, date anniversaire de sa flagellation.   L’année qui vient de s’écouler a vu le bilan du Royaume en matière de droits humains se dégrader considérablement. L’exécution récente de 47 personnes en une journée, parmi lesquelles le cheikh chiite Nimr al Nimr, a provoqué une onde de choc dans la région.   Malgré la participation largement saluée des femmes aux élections municipales le mois dernier, la situation en Arabie saoudite a été marquée par la poursuite de la répression des personnes militant en faveur des droits humains, et le pays a mené une campagne dévastatrice de frappes aériennes au Yémen caractérisée par de graves violations du droit international humanitaire, dont des crimes de guerre.   « Un an après le tollé qu’a suscité dans le monde sa flagellation en public, Raif Badawi et des dizaines de prisonniers d’opinion sont toujours derrière les barreaux, et risquent de subir des sanctions et des mauvais traitements en raison de leurs activités pacifiques, a déclaré James Lynch, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.   « Un nombre croissant de défenseurs des droits humains sont condamnés à des années de prison au titre de la loi antiterroriste de 2014, tandis que les alliés du Royaume soutiennent la répression menée au nom de la " guerre contre le terrorisme ". »   Parmi les nombreux détenus figure l’avocat de Raif Badawi, Waleed Abu al Khair, premier défenseur des droits humains à être condamné à l’issue d’un procès inique au titre de la loi antiterroriste en vigueur depuis février 2014. Des dizaines d’autres ont été incarcérés au titre de cette loi en 2015, dont les défenseurs des droits humains Abdulkareem al Khoder et Abdulrahman al Hamid, tous deux membres fondateurs de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), association indépendante désormais dissoute. Ils ont eux aussi été condamnés à l’issue de procès iniques.   L’Arabie saoudite continue d’interdire les associations indépendantes de défense des droits humains et d’incarcérer leurs membres fondateurs, condamnés à de lourdes peines pour création d’« organisations non autorisées ». Tous les rassemblements publics, y compris les manifestations pacifiques, demeurent interdits aux termes d’un arrêté pris en 2011 par le ministère de l’Intérieur.   Parallèlement, les autorités se servent de la loi antiterroriste de 2014 et du Tribunal pénal spécial, tribunal antiterroriste de triste renommée, pour mettre un frein à toutes les formes de militantisme, notamment en condamnant à mort des militants chiites, comme le dignitaire religieux et opposant du gouvernement saoudien Nimr al Nimr qui a été exécuté avec trois autres militants chiites samedi 2 janvier.   Ali al Nimr, le neveu de Nimr al Nimr, et les militants chiites Dawood al Marhoon et Abdullah al Zaher avaient moins de 18 ans lorsqu’ils ont été arrêtés. Tous trois ont été condamnés à mort à l’issue de procès manifestement iniques, uniquement sur la base d’« aveux » qui leur auraient été extorqués sous la torture. Le tribunal a refusé d’enquêter sur leurs allégations de torture.   « Dans le cadre de la répression acharnée contre toute forme de dissidence, les autorités ont confirmé la condamnation à mort de trois personnes mineures au moment des faits qui leur sont reprochés, en violation flagrante du droit international et en se fondant uniquement sur les " aveux " des trois militants qui, selon eux, leur ont été arrachés sous la torture, a déclaré James Lynch.   « En outre, l’Arabie saoudite a intensifié sa frénésie d’exécution et a mis à mort au moins 151 personnes entre janvier et novembre 2015 – le plus lourd bilan depuis 1995. Près de la moitié des personnes exécutées l’ont été pour des crimes qui ne devraient pas, d’après le droit international, être passibles de la peine de mort. »   L’Arabie saoudite a également pris la tête d’une coalition militaire qui, depuis mars 2015, a lancé des milliers de frappes aériennes dans les régions du Yémen contrôlées par le groupe armé houthi. Ces frappes ont fait des centaines de morts parmi les civils et touché des infrastructures civiles, comme des centres de soins, des écoles, des usines, des centrales électriques, des ponts et des routes. Amnesty International a déterminé que ces frappes étaient fréquemment disproportionnées ou menées sans discrimination, et auraient parfois pris pour cible directe des civils ou des biens à caractère civil.   Certaines armes utilisées par les forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen qui ont touché des cibles civiles ont été produites ou conçues aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les gouvernements britannique et américain fournissent également un soutien logistique et des renseignements à la coalition.   « Les alliés de l’Arabie saoudite, tels que les États-Unis et le Royaume-Uni, doivent mettre à profit leurs relations étroites pour faire pression sur le gouvernement saoudien, notamment publiquement, afin qu’il améliore son bilan en termes de droits humains et se conforme au droit international dans le cadre de sa campagne au Yémen. Leur silence, alors qu’ils continuent d’approvisionner l’Arabie saoudite en armes meurtrières, n’est pas défendable », a déclaré James Lynch.   Complément d’information Un agent des forces de sécurité a administré 50 coups de bâton à Raif Badawi, sur une place de Djedda, le 9 janvier 2014. Ces 50 coups faisaient partie de sa condamnation à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet, prononcée par un tribunal en mai 2014 pour avoir créé un forum en ligne dédié au débat public et pour avoir « insulté l’islam ».   De nouvelles flagellations ont été reportées, initialement pour raisons médicales, et ensuite pour des raisons inconnues.   Le blogueur Raif Badawi a reçu plus d’un million de messages de soutien en prison depuis que son histoire a été mise en avant dans le cadre de la campagne d’Amnesty International Écrire pour les droits 2014. En 2015, la campagne a mis en avant la situation désespérée de son avocat, Waleed Abu al Khair.

Des informations sur les autres victimes de la répression menée en Arabie saoudite contre la liberté d’expression sont disponibles sur la page du site d’Amnesty International dédiée à l’Arabie saoudite.